Critique de la semaine

Mateo:Untalenttravailleur

Publié début 2013, « Mateo » est le cinquième roman d’Antoine Bello (son sixième si l’on tient compte d’ « Amérique » récemment publié exclusivement sous forme numérique). À travers cette narration suivant deux ans de la vie d’un prodigieux joueur de football universitaire, le romancier a choisi de traiter plus en profondeur que jamais l’un des thèmes qui hante son œuvre depuis 1996, celui du « talent », et tout particulièrement des responsabilités et des devoirs qui lui sont potentiellement associés.

Mateo Lemoine est un prodige du football. À dix-huit ans, il surprend son entourage et ses fans en s’inscrivant à la fac de Vernet, la petite ville où il vit avec sa mère, pour conquérir le titre universitaire que son père, entraîneur de talent disparu prématurément, était sur le point de remporter avant sa mort. Il avait pourtant le choix de signer dans les plus grands clubs tels que le Manchester United de Sir Alex Ferguson qui le considère comme le « nouveau Cantona ».

L’idée de base paraît improbable: un tel talent aurait dû intégrer un centre de formation depuis longtemps. Mateo, qu’Antoine Bello vient de publier chez Gallimard, est bien un roman, avec ce que le terme suppose de liberté fictionnelle. Où l’excellent auteur des Falsificateurs (2007) propose une analyse fouillée de la psychologie des jeunes champions. En particulier des surdoués: tout le monde surnomme Mateo « L’Elu », tant ses prédispositions paraissent évidentes. Mais rien ne l’énerve plus que cette idée reçue:  »C’est facile à dire pour toi, tu es tellement doué! »
Parce que Mateo est un fou de travail. S’il rate un geste technique, il va le répéter cent fois. «Il ne cherchait rien de moins que la perfection et, quand il la trouvait, essayait de la reproduire encore et encore.» Pour lui, tout est compétition, depuis toujours. Il se lance des défis, ne veut que progresser et accepte mal que ses coéquipiers ne cherchent pas l’excellence.

Ce roman, qui ne captivera pas seulement les amateurs de sport, est avant tout une parabole sur la volonté, le mérite et l’utilisation que chacun de nous fait des talents qu’il a reçus. Antoine Bello étonne et séduit par la singularité de son univers romanesque.